Les troubles alimentaires pédiatriques (ou trouble de l’oralité alimentaire)

Aujourd’hui, à l’occasion de la journée européenne des orthophonistes, Lucie Briatte nous fait l’honneur de nous expliquer son métier et plus particulièrement ce qu’est le Trouble Alimentaire Pédiatrique (TAP), plus souvent entendu sous le nom de trouble de l’oralité alimentaire. Elle nous explique que le terme scientifique est trouble alimentaire pédiatrique malgré le fait qu’il englobe enfant et adulte.

Lucie est orthophoniste depuis maintenant quatorze ans mais aussi autrice de deux livres et enseignante auprès des étudiants orthophonistes de l’ISTR de Lyon.

Cet article et recueil d’information sont écrits afin d’informer mais en aucun cas de culpabiliser l’entourage.

Avant tout, Lucie nous explique travailler en libéral, aussi appelé cabinet, depuis ses débuts. Elle a aussi travaillé en service de rééducation et réadaptation neurologique pédiatrique et adulte au cours de remplacements.
C’est grâce à cette expérience qu’elle a pu découvrir le milieu de l’oralité avec le soin auprès d’enfants avec une sonde par exemple. Le profil de ses patients dans ce service de neurologie était multiple : AVC pédiatrique, cancers pédiatriques ou encore traumatismes crâniens. Cette expérience lui a permis de découvrir, de se former aux troubles alimentaires pédiatriques et rédiger son ouvrage.

Lucie nous détaille les différentes missions d’un orthophoniste. Elles sont multiples et peuvent être réalisées à tout âge en fonction de l’accompagnement. L’accompagnement peut se faire de la prématurité jusqu’à la personne âgée et même en soins palliatifs parfois. L’orthophoniste s’occupe de la communication de façon large comme l’expression et la compréhension orale et écrite mais aussi le calcul et le graphisme.
Les problèmes de déglutition et d’oralité sont aussi des prises en soin possibles par l’orthophoniste, aux côtés de troubles qui concerne la sphère buccale : les troubles oraux myofonctionnels. Ils peuvent être dus à des habitudes alimentaires ou de succions de l’enfant, ou des particularités anatomiques qui peuvent engendrer des problèmes de mastication.
L’orthophoniste est aussi connu pour accompagner dans le bégaiement. Et parfois, moins connu, le professionnel peut s’occuper de différentes formes de handicap comme l’autisme, la surdité, l’enfant aveugle, etc.
Enfin, l’orthophoniste peut prendre en soin les troubles alimentaires pédiatriques.

Nous allons pouvoir en découvrir les causes, les conséquences et les traitements.

Avant toute chose, Lucie nous dit que les troubles alimentaires pédiatriques a une notion de durabilité de quelques semaines. On ne peut pas parler de troubles alimentaires pédiatriques au bout de deux jours mais il ne faut pas non plus attendre des années pour l’évoquer.

Les signes

Avant de découvrir les causes, les professionnels de santé et les parents peuvent s’alerter d’un trouble alimentaire pédiatrique avec différents signes tels que la cassure de la courbe staturo pondérale. De plus, un enfant qui devient très sélectif alors qu’avant avait une très bonne alimentation peut être un signe d’un trouble alimentaire pédiatrique . Les autres signes seront expliqués en même temps que les conséquences car certains signes peuvent être une conséquence et vice-versa.

Les causes

Lucie nous énumère différentes causes d’un trouble alimentaire pédiatrique, elle rappelle qu’il n’est pas rare de trouver un ensemble de causes. Il peut y avoir des causes médicales, anatomiques, comportementales…

Lorsqu’on parle de causes médicales on peut évoquer la prématurité qui est un des facteurs fréquents, notamment car le système digestif n’est pas assez mature entre autres.
Le handicap, quand il y a un syndrome génétique, peut-être une cause d’un trouble alimentaire pédiatrique . Parmi le handicap, on peut observer que 80% des enfants ayant un trouble du spectre autistique présente un trouble alimentaire pédiatrique, l’unique présence de ce trouble alimentaire ne peut pas permettre le diagnostic du trouble autistique mais il peut y contribuer.

Une des causes médicales est un acte médical qui peut entraîner une hypersensibilité et donc un problème sensoriel comme la pose de sonde, une opération, un soin en particulier.
La cause anatomique peut être une particularité au niveau de la langue ou par exemple une fente velo palatine.
Le reflux gastro œsophagien aussi appelé RGO non détecté,  donc sans traitement peut créer une œsophagite (une inflammation de l’œsophage) et perturber la zone entraînant une alimentation difficile.

Sans culpabilité aucune, le fait de forcer un enfant à manger ou de faire du chantage peut créer des expériences négatives avec l’alimentation et favoriser un trouble alimentaire pédiatrique. De plus, on peut parler de facteur « génétique » si le parent a connu des difficultés alimentaires.  Si les parents sont très sélectifs, l’enfant, par mimétisme, peut reproduire ce qu’il voit. , mais ce n’est pas automatique.

Les conséquences

Les conséquences sont multiples et peuvent être associées à des signes pour détecter le trouble alimentaire pédiatrique.

La néophobie alimentaire, c’est-à-dire la grande difficulté voire l’impossibilité de goûter un « aliment nouveau » ; peut être un signe ou une conséquence d’un trouble alimentaire pédiatrique mais il est important de noter que la néophobie alimentaire n’est pas forcément pathologique. Elle le devient seulement si cela perdure. Il faut rappeler que la néophobie est courante entre 2 et 10 ans. Lucie nous explique que les enfants ayant un trouble du spectre autistique ont une importante néophobie alimentaire notamment parce qu’ils n’aiment pas les changements.

Un enfant présentant des problèmes avec les textures, que ce soit pour passer du lait à la purée ou de la purée en morceaux peut être une conséquence ou un signe d’un trouble alimentaire pédiatrique.
Par exemple : les enfants ont ou peuvent rencontrer des difficultés à manger plusieurs textures ensemble : un plat de pâte à la bolognaise sera parfois décomposé en pâte, tomate et viande afin de ne pas tout mélanger.

La vue et/ou l’odeur d’un aliment peut aussi provoquer des hauts le cœur, des nausées voire des vomissements, ce qui n’est pas habituel chez l’enfant. De plus, le réflexe nauséeux est exacerbé par rapport à une personne n’ayant pas de trouble alimentaire pédiatrique. Pour rappel, le réflexe nauséeux est normal, c’est un réflexe de protection mais chez l’enfant présentant un trouble alimentaire pédiatrique, il se déclenche souvent trop vite.

L’une des conséquences d’un trouble alimentaire pédiatrique est le fait de mastiquer davantage avec les incisives plutôt qu’avec les molaires car la zone est plus sensible, ou alors ils gardent les aliments au niveau des joues pour ramollir la nourriture qui est difficile à déglutir et repousser ce moment.  La mastication peut alors devenir difficile et parfois être asymétrique.

L’enfant rejette très fort les situations de repas et, étant donné que les repas prennent une place importante dans notre journée, les parents peuvent devenir anxieux quant à la santé de leur enfant.

Le travail de Lucie avec les patients ayant un trouble alimentaire pédiatrique

Enfin, Lucie nous explique comment elle travaille pour améliorer le quotidien d’un patient ayant un trouble alimentaire pédiatrique.

Tout d’abord, elle s’assure,  au cours l’entretien avec le(s) parent(s) au début du bilan orthophonique, qu’il n’y a pas de problème somatique comme le RGO, et qu’un suivi médical (pédiatrique, généraliste ou gastro pédiatrique) soit bien à jour.

Elle fait un recueil de données complet sur l’enfant tout en demandant l’histoire de l’alimentation du début de la grossesse jusqu’à ce jour. On peut, ainsi, apprendre qu’une maman ayant fait une sélection alimentaire durant sa grossesse (pour nausées voire vomissements ou encore parfois à cause de restrictions médicales) doit être pris en compte avant de démarrer l’accompagnement. Les différents facteurs médicaux, comportementaux ou anatomiques sont recherchés. A la suite de cela, elle peut poser un diagnostic.

La prise en soins pratiquée par Lucie est une séance d’orthophonie, une à deux fois par semaine en règle générale, pour travailler différents aspects comme le sensoriel, le moteur ou le comportement. Des repas thérapeutiques en séance individuelle (mais également possible en séance collective) sont réalisés et font partie du parcours de soins. Si la courbe de poids n’est pas harmonieuse, une collaboration avec un diététicien peut être envisagée, mais aussi, pour d’autres aspects, avec un psychomotricien, un psychologue voire un ergothérapeute.

Lors des différentes prises de poste en tant qu’infirmière, j’ai pu découvrir la méthode des massages pour favoriser l’acceptation de chose en bouche mais Lucie nous explique qu’elle ne le fait qu’en seconde intention car c’est contraignant et ça peut être vécu comme quelque chose d’intrusif par l’enfant. Ces massages doivent être réalisés sept à huit fois par jour et sont donc contraignants pour l’enfant et pour l’environnement dans lequel il évolue : chez une nounou, en crèche, à l’école, …

Enfin, l’un des derniers points de la prise en soins pour un trouble alimentaire pédiatrique est l’accompagnement parental pour aider créer le meilleur environnement pour l’enfant, à commencer par son installation à table. Il est important de rappeler, qu’une position confortable avec les deux pieds au sol est primordiale pour manger, on ne mange pas allongé par exemple ! L’accompagnement parental passe aussi par l’environnement des repas, les couverts et ustensiles utilisés et aussi travailler la représentation de l’aliment.

Lucie conclut en nous expliquant un soin proposé : le chaînage alimentaire.

L’objectif est d’arriver à trouver les propriétés sensorielles et de les modifier une par une. L’enfant a un aliment copain, par exemple la frite. La frite à une forme, une texture, une couleur et un goût. On va donc trouver un aliment se rapprochant au maximum de l’aliment copain. Ici on prendra une frite de patate douce par exemple ; la forme et la texture seront ainsi conservées mais le goût et la couleur seront changés.

Pour finir, Lucie nous rappelle que ce n’est pas normal qu’un enfant n’arrive pas à s’alimenter. L’enfant peut être petit mangeur ou avec une néophobie passagère entre deux et dix ans, mais s’alimenter avec difficulté ou éviter toute une catégorie d’aliments, ce n’est pas normal. Il est important d’en parler avec son médecin.

Lucie nous indique que l’orthophonie est remboursée par la sécurité sociale. Le professionnel travaille auprès d’enfants présentant une pathologie : c’est un soin. Malheureusement, il faut aussi prendre en compte des délais parfois long pour avoir un rendez-vous quel que soit le motif de prise en soins.

Pour aller plus loin, vous pouvez retrouvez l’ouvrage écrit par Lucie Briatte sur la FNAC en suivant ce lien : https://www.fnac.com/a15232179/Lucie-Briatte-Troubles-alimentaires-pediatriques

À très vite 🌺


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