Tom, petit ange de 4 mois, victime des secouements de sa nounou, son papa témoigne

Aujourd’hui est la deuxième journée nationale du syndrome du bébé secoué, et Bertrand va nous partager la douloureuse histoire qu’il a vécue en 2014 avec son fils Tom, âgé de 4 mois à l’époque.

Bertrand est l’heureux papa de quatre enfants, et le 7 juin 2014, Tom est né et a pris la deuxième place dans la fratrie, aux côtés de son grand frère âgé de deux ans. Ils habitent dans l’Est de la France, et Bertrand est ingénieur.

Le grand frère de Tom était gardé chez une assistante maternelle, mais celle-ci n’avait pas de place pour un deuxième enfant. Bertrand et sa femme ont alors commencé leur quête pour trouver une nouvelle assistante maternelle. Ils ont récupéré des listes d’assistantes maternelles agréées et ont appelé pour savoir si ces professionnels avaient deux places disponibles pour Tom et son grand frère à partir de septembre. Ils ont rencontré une dizaine d’assistantes maternelles et ont finalement accepté un contrat avec l’une d’entre elles, qui était agréée depuis 8 ans et semblait avoir de l’expérience. Le logement de l’assistante maternelle était propre, la maison avait été visitée et le couple avait pu la rencontrer plusieurs fois. De nombreuses conditions semblaient être réunies, et un contrat d’engagement a été signé pour une garde de quatre jours par semaine. Tom et son grand frère ont commencé leur période d’adaptation chez leur nounou début septembre, à raison d’une heure, puis d’une demi-journée, puis avec un repas, avant de faire leur première journée complète le lundi 15 septembre.

Au cours de la première semaine de garde, Bertrand a récupéré ses enfants chez la nounou un vendredi soir et les a trouvés dans le jardin. Tom était allongé dans sa poussette dans un état inhabituel, très pâle et inquiétant. La nounou a assuré que tout s’était bien passé et que les repas avaient été pris correctement, mais Bertrand a noté que les transmissions étaient inhabituellement brèves. La nounou n’a pas laissé Bertrand entrer dans son logement et a disposé les affaires des garçons à l’extérieur, au pied de sa porte. Après un bref échange sur la journée des garçons, elle a pris sa voiture et est partie. Bertrand est rentré chez lui préoccupé par l’état de Tom. Une fois arrivé à la maison, Tom a vomi sur son père. Sa femme est rentrée du travail et, après avoir appris que Tom avait vomi, ils ont décidé d’aller chez le médecin. Celui-ci a alors diagnostiqué une rhinopharyngite. Le week-end s’est déroulé sans encombre et les deux garçons sont retournés chez leur nounou le lundi suivant, avec son accord, tandis que Bertrand était en déplacement à Paris.

Quelques jours plus tard, sa femme l’a appelé en catastrophe pour lui annoncer que Tom avait été transféré aux urgences pédiatriques de l’hôpital de Belfort, son état étant préoccupant. Bertrand est rentré le jeudi et a pris le relais de sa femme. Tom a subi une série d’examens qui n’a rien révélé de particulier, si ce n’est une possible allergie aux protéines de lait de vache. Le vendredi, Tom a retrouvé son état normal : souriant, il reprend des couleurs, son papa arrive à capter son regard… Bertrand retrouve son Tom d’avant et l’hôpital leur propose donc de sortir le vendredi soir. Bertrand et sa femme demandent qu’il soit gardé en observation une nuit de plus et ils rentrent donc chez eux le samedi. Le couple achète un lait pour bébés intolérants à la protéine de lait de vache et continue parallèlement de donner des nouvelles à l’assistante maternelle, qui en demande.

Finalement, le lundi 29 septembre 2014, Tom est retourné chez sa nounou avec le protocole pour le nouveau lait car il n’y avait pas de contre-indication. La maman des garçons les dépose à 8h et Bertrand reste à la maison après avoir pris un jour de congé pour bricoler. À 14h30, le début du calvaire commence. La femme de Bertrand l’appelle, mais il n’a pas le temps de décrocher et écoute le message vocal. Sa femme se dirige chez la nounou car Tom est en détresse respiratoire. Bertrand écoute le message, se dirige très rapidement chez la nounou qui est à quelques minutes de chez eux et croise le SAMU. Bertrand comprend très vite que ce véhicule va au même endroit que lui. Une fois arrivé chez la nounou, il découvre un pompier en plein massage cardiaque, qui a pris le relais de la maman de Tom (professionnelle de santé) après avoir appelé le SAMU. C’est le chaos pour le couple, Tom est nu sur la table basse, les membres écartés, inconscient, déjà dans le coma. La priorité est de faire repartir le cœur de Tom, âgé de quatre mois. Après de longues minutes de massage cardiaque et à l’aide de médicaments, son cœur repart. Le SAMU prépare Tom pour le transport à l’hôpital : intubation et perfusion. Il est transféré au CHU de Besançon par hélicoptère. Les parents souhaitent alors ne pas monter dans l’hélicoptère pour laisser la place au maximum de personnel médical et mettre toutes les chances de leur côté pour protéger leur petit Tom.

En parallèle de ce cataclysme, le grand frère de Tom, qui habituellement à un sommeil léger, dormait profondément. À priori, il n’a rien vu ni entendu. Une fois réveillé, ses grands-parents maternels l’ont ramené chez lui. Les parents de Tom vont à l’hôpital et le découvrent intubé, plein d’électrodes et des tuyaux de partout après qu’il ait eu les premiers examens vers 17h Ils décident de se relayer jour et nuit pour qu’il y ait toujours l’un d’eux présent car le grand garçon de deux ans a aussi besoin de ses parents. Les grands-parents paternels viennent aider le couple et prennent soin de leur petit-fils. 

Lorsque la neuropédiatre et une infirmière ont souhaité lui parler le mardi soir, vers 21h30, Bertrand est avec Tom. Elles expliquent à Bertrand que Tom a subi des maltraitances à plusieurs reprises et qu’il présente le syndrome du bébé secoué. Bertrand, mis au courant de la signification de ce syndrome par le personnel médical, est choqué  par la violence des faits. Deux heures de questions-réponses ont eu lieu pour mieux comprendre la situation. Pendant les deux jours suivants (lundi 29 et mardi 30), l’assistante maternelle a harcelé le couple de messages : elle a notamment appelé Bertrand lors de l’entretien avec le personnel médical, mais la neuropédiatre a demandé au couple de cesser tout contact avec elle.
L’équipe médicale comprend très vite que le couple n’est pas coupable. Ils ont pu expliquer toute la grossesse, le moyen de garde, quel était le planning, les deux épisodes précédents de rhinopharyngite et l’allergie à la protéine de lait de vache. L’équipe était très renseignée sur le syndrome du bébé secoué, et sachant que Tom était tombé en arrêt cardio-respiratoire vers 14h30, elle savait que les secouements avaient été faits très peu de temps avant, chez la nounou. Le lendemain matin, l’épouse de Bertrand dépose une plainte contre X au parquet des mineurs pour maltraitance.

Les jours suivants, Tom reste dans le coma et subit plusieurs examens tels que l’électro-encéphalogramme, l’IRM, la radiographie et l’examen du fond d’œil pour évaluer l’évolution de son état. Il n’a pas subi d’opération. Lors de ces examens, les médicaments sont retirés pour permettre leur réalisation et l’équipe médicale ainsi que les parents constatent que Tom souffre.

Le 10 octobre, douze jours après le transfert de Tom à l’hôpital, les médecins font un bilan complet et expliquent aux parents qu’il n’y a aucune chance de survie, même avec une possible séquelle handicapante pour Tom. Bertrand demande à voir le dossier médical, car il a besoin d’avoir toutes les informations avant de prendre une décision. L’équipe médicale lui fournit le dossier et il réalise, sans être soignant, la gravité de la situation. Il remarque que le cerveau de Tom s’atrophie de jour en jour. Le couple prend alors la décision de demander le retrait des machines qui maintiennent Tom en vie, mais ils souhaitent que cela soit fait quelques jours plus tard, afin que les proches qui le souhaitent puissent rendre visite à Tom entre temps. 
Le dimanche 12 octobre 2014, Tom s’éteint en présence de ses parents et d’une infirmière qui les a accompagnés durant les deux heures suivant l’arrêt des machines.

Parallèlement à la plainte déposée, un signalement auprès de la PMI a été effectué. Les deux services ne communiquent pas entre eux et il est nécessaire de faire les deux démarches séparément. De plus, les parents sont tenus d’aviser la PMI au risque d’être poursuivis s’ils ne le font pas. Suite à ce signalement, l’agrément  de l’assistante maternelle a été suspendu pendant 4 mois.
Suite à la plainte déposée, une enquête est conduite et le couple est entendu individuellement pendant qu’ils sont au chevet de Tom à l’hôpital. L’assistante maternelle est placée en garde à vue pendant l’hospitalisation de Tom. Malgré les éléments apportés par l’hôpital, elle refuse de répondre à toutes les questions. Les policiers font leur possible pour la maintenir en détention, mais elle est finalement relâchée après avoir comparu devant un juge.

La justice ordonne une première expertise, qui est remise en février 2015. L’assistante maternelle est de nouveau placée en garde à vue car l’expertise confirme qu’il y a eu trois secousses sur Tom à des dates précises. Elle refuse toujours de répondre aux questions et est mise en examen en liberté, tout en étant tenue de pointer au commissariat. Une contre-expertise est effectuée et elle confirme les conclusions de la première, mais l’assistante maternelle reste en liberté.

Ils n’ont plus de contact avec l’assistante maternelle depuis le décès de Tom, mais ils l’ont croisée par hasard, notamment lorsqu’un jour, l’épouse de Bertrand a décidé d’aller au restaurant avec son aîné et leur troisième enfant. L’assistante maternelle est entrée dans le même restaurant et s’est installée à trois mètres de la table où se restauraient la mère et ses fils. Cela a provoqué une grande angoisse chez la maman de Tom, qui a appelé Bertrand pour lui faire part de la situation. Ce dernier lui a conseillé d’écourter le repas, de régler l’addition et de ne rien dire à l’assistante maternelle.

Presque deux ans après les faits, l’assistante maternelle a demandé à voir le juge pour s’excuser auprès de la famille et fournir quelques éléments supplémentaires. Elle a justifié qu’elle avait jeté Tom un peu fort sur le matelas le lundi 29 septembre, et que cela avait provoqué son traumatisme. Les policiers l’ont alors poussé à bout, la justification n’étant pas satisfaisante, et elle a avoué qu’elle avait secoué Tom, le lundi 29 septembre, en sachant ce qu’elle faisait, et qu’elle ne recommencerait plus. Elle a également déclaré qu’il n’avait alors pas été nécessaire d’appeler un médecin. Elle n’a pas répondu aux questions sur les deux précédents secouements. Et finalement des mois et des mois, voire des années après, elle a reconnu le premier secouement (celui du 19 septembre). 

Le procès a donc condamné l’assistante maternelle à sept ans de prison ferme et cinq ans d’interdiction d’exercer, avec un mandat de dépôt immédiat. La famille de Tom a demandé à ce que la durée de l’interdiction d’exercer soit revue en appel, mais l’avocat général et le procureur ont considéré que c’était une “excellente peine”. 
La famille de Tom n’a pas pu obtenir les réponses à leurs questions et n’a jamais reçu d’excuses de la part de l’assistante maternelle. Lors des témoignages à la barre, une maman ayant ses jumeaux chez cette même assistante maternelle, a dit que des examens auprès de la PMI avaient également révélé de la maltraitance pour une de ses filles. Il est regrettable que le témoignage de la maman de jumeaux n’ait pas pu être retenu (par défaut de plainte) car cela aurait peut-être permis de compléter le dossier de la famille. 

Bertrand ressort avec beaucoup de colère et un sentiment d’aberration de ce procès. La colère qu’il a, est aussi envers lui car il dit ne pas avoir pu protéger son petit Tom. Sa femme, quant à elle, a pu éprouver de la haine envers l’assistante maternelle. Lui et sa femme ont pu être suivi par des psychologues à différents moments de leurs processus de deuil. Ils ont également été voir un psychologue pour l’annoncer au grand frère de Tom quelques années après le décès. En effet, son grand frère posait beaucoup de questions et son comportement avait changé durant la dernière hospitalisation. Ses parents, avec l’accord des médecins, avaient fait le choix que l’aîné voit Tom quelques minutes pour se rendre compte de la disponibilité partielle de ses parents à ses côtés. A la suite de cela, son comportement a un peu changé. Puis durant des années, il lui a été dit que Tom avait été malade et qu’il n’avait pas pu guérir, le sujet étant évité devant le grand, jusqu’au jour où les parents ont décidé de lui dire ce qu’il c’était réellement passé grâce à un psychologue. 

Le couple vit au jour le jour, Bertrand affirme que le temps est le meilleur allié pour réussir à avancer, mais que chacun construit son chemin différemment. Le fait d’avoir deux autres enfants l’aide à sortir la tête de l’eau mais le processus de deuil n’est pas un long fleuve tranquille. 
La colère que Bertrand a en lui, il a voulu la transformer en quelque chose de positif et il a décidé de faire de la prévention. Vous pouvez retrouvez de nombreux podcast pour écouter son histoire, sur les plateaux télé (La Maison des Maternelles, Ca commence Aujourd’hui) et aussi sur son site internet et son Instagram. Il fait également partie de l’ association Enfance et partage, qui lutte contre les maltraitances infantiles quelles qu’elles soient.

En parallèle de cette prévention, il a écrit deux ouvrages : La rentrée de Tom, bébé secoué et Léa, mon étoile filante.


Les conseils et la prévention de Bertrand : 

Tout d’abord, il est important de savoir que secouer un enfant est un geste volontaire, c’est l’adulte qui perd ses moyens sous l’émotion de la colère. Secouer un enfant n’est pas similaire à une chute, ni à le jeter en l’air. Le secouement peut être comparé à une chute du onzième étage. 

Les pleurs sont souvent l’élément déclencheur d’un secouement, lorsqu’un bébé pleure il est important de vérifier qu’il n’a pas faim, pas froid, pas chaud, pas de fièvre… Des solutions d’apaisement existent, par exemple le portage, la succion, le massage…

En terme de prévention, Bertrand explique qu’il est important de se connaître soi même, de savoir détecter le moment ou l’on peut changer de comportement verbalement ou physiquement. 

Lorsque l’émotion de colère est ressenti, il faut poser le bébé dans un lit ou en sécurité et prendre sa distance. Il faut fermer la porte pour s’isoler des pleurs, et se rappeler qu’un bébé qui pleure ne vas pas mourir de pleurs. Il faut identifier une action qui nous permet de nous calmer : faire un gâteau, écouter de la musique, prendre un bain, faire du yoga, taper sur un lit… Et aussi avoir une personne a appelé, un ami, le co-parent, les parents de l’enfant (si vous êtes en garde de l’enfant).  Cet appel permettra l’apaisement ou qu’il puisse prendre le relais.

Ensuite, une fois calmé, vous pourrez retrouver le bébé et lui expliquer pourquoi il a été laissé dans son lit mais que dès maintenant vous pouvez vous en occupez plus sereinement. 

Bertrand nous rappelle plusieurs points : ce n’est pas parce que vous n’arrivez pas à calmer un bébé que vous êtes un mauvais parent, mauvais assistant maternel, mauvais proche. 

Lorsqu’un enfant est laissé à un proche ou un assistant maternel, il est important de prendre le temps de faire le relais, dire comment va l’enfant, expliquer les habitudes de vie (turbulette, noir complet, doudou).

Bertrand confirme que les réseaux sociaux ont aidé à mettre en avant le syndrome du bébé secoué mais qu’il y a beaucoup de fausses explications auxquelles il faut se méfier. 

Les ressources possibles expliquant le syndrome du bébé secoué : 

https://stopbebesecoue.fr/sbs/

Site de Bertrand

Merci à Bertrand pour sa confiance.


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